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L’avènement d’un nouveau type de médecine

Un médecin écoute son patient

L’avènement d’un nouveau type de médecine

Bastien Craninx – Article paru sur FOKUS – mars 2023

Le concept d’«empowerment » du patient fait son chemin, mais pouvoir considérer le patient dans une relation plus équilibrée avec un spécialiste de la santé demande encore des aménagements essentiels.

Un concept prend de plus en plus d’ampleur dans le domaine de la santé  : l’empowerment (ou autonomisation, ndlr) du patient, qui vise à modifier la relation verticale actuelle entre le patient et le soignant. «  Aujourd’hui, il faut dépasser la notion du médecin qui sait et du patient qui subit », explique Geneviève Aubouy, responsable du Centre d’Education du Patient asbl. « Les soignants ont une expertise scientifique des maladies. Les patients, eux, ont une expertise profane au quotidien ». Ils ne doivent donc plus être uniquement considérés comme de simples bénéficiaires de soins, mais également comme les dépositaires d’une connaissance et de compétences. « Cette idée du patient partenaire développée depuis le Canada pour ensuite atteindre l’Europe a entraîné une amélioration de la qualité de vie des patients ainsi que de leurs symptômes ». Et ce, en grande partie, pour faire face au défi des maladies chroniques.

Cette visée d’évaluation passe inévitablement par le fait de rendre les patients plus compétents  : il serait important de valoriser une approche plus éducative à leur encontre. Cela les amènerait à faire des choix raisonnés et positifs pour leur santé. Malheureusement, en Belgique, la mise en pratique de l’empowerment se réduit souvent à de la simple information. « De plus, les spécialistes sont peu ouverts aux aspects psychosociaux de la santé. Or, c’est fondamental dans le contrôle de cette dernière », insiste Benoît Pétré, chargé de cours en Éducation Thérapeutique du patient à l’Université de Liège.

Ainsi, pour un diabétique par exemple, on insistera sur ce qu’il peut ou non manger, plutôt que sur la manière de communiquer ses besoins de santé à son entourage. Ceci serait notamment dû à l’hyperspécialisation par pathologie. « On s’intéresse parfois plus à l’organe ou à la maladie qu’à la personne qui souffre ». Un biais qu’il s’agirait de dépasser en faisant notamment évoluer la formation des professionnels vers des aspects de communication, d’éthique et d’éducation au patient.

"Aujourd'hui, il faut dépasser la notion du médecin qui sait
et du patient qui subit.
"
Geneviève Aubouy
Responsable du Centre d'Education du Patient asbl

Bien entendu, cette approche a ses limites. L’automédication abusive est un phénomène connu, mais il ne faudrait pas non plus risquer l’hyper responsabilisation des patients. « La crainte est qu’on en vienne à faire porter toute la responsabilité des soins sur le patient et ses habitudes de vie », explique Benoît Pétré. « Dès lors, les institutions pourraient refuser d’intervenir pour les patients si ces derniers ne changent pas leurs comportements ». Un niveau de littératie insuffisant (capacité à interpréter les informations pour opérer des choix de santé) est également à craindre. « L’accessibilité de l’information de qualité au patient est capitale. Si ce n’est pas le cas, ce dernier ira chercher les informations concernant sa maladie sur les réseaux sociaux par exemple. Ce qui n’est pas toujours une bonne idée », poursuit Geneviève Aubouy.

Pour l’experte, la bonne littératie en santé reposerait sur quatre dimensions  : l’accès à l’information par le patient, sa capacité à la comprendre, la manière de la mettre en pratique dans sa vie quotidienne et la possibilité d’évaluer les coûts et les bénéfices de cette information. Pour la favoriser, il serait donc nécessaire d’avoir des professionnels de première ligne et des relais particulièrement fiables. « Rien ne peut remplacer un lien de confiance avec un professionnel. À partir du moment où cette relation d’égal à égal se crée, c’est plus facile d’aborder des sujets, même tabous ».  On le voit, si le concept d’empowerment est intéressant, il doit encore être mûrement réfléchi au sein des institutions médicales.